Quarante ans après le moratoire de la Commission baleinière internationale sur la chasse à la baleine, que pouvons-nous apprendre des facteurs ayant mené à cette avancée pour la conservation au moment où il faut urgemment trouver des solutions pour mitiger l’impact des activités humaines sur les écosystèmes marins?
Nous avons vu dans le dernier billet que la sensibilisation du public à l'environnement, les données scientifiques, les développements technologiques et la réalité économique ont joué un rôle dans la décision d'abandonner la chasse à la baleine en 1982.
Aujourd'hui, lorsqu'il s'agit de faire face aux menaces qui pèsent sur les populations de baleines, le soutien de l'opinion publique est plus important que jamais. Les gens s'opposent massivement à la chasse à la baleine, sont indignés et attristés lorsqu'une baleine est victime d'actions humaines, et sont de plus en plus conscients de l'impact de la pollution et des activités industrielles sur les écosystèmes marins. Les données scientifiques ne manquent pas non plus et les publications solides démontrant l'interconnexion des espèces, les conditions désastreuses de plusieurs populations de cétacés, l 'importance des baleines dans les écosystèmes marins et leur rôle dans la séquestration du carbone ne manquent pas. Ce qu'il reste à faire, c'est de s'attaquer aux incitations économiques entourant les menaces modernes qui pèsent sur les baleines, telles que les collisions avec les navires, les bruits sous-marins et les prises accessoires provenant de diverses pêcheries et industries marines.
Cette fois, il ne s'agit pas de freiner une industrie qui nuit activement aux baleines : personne ne tire profit de la mort d'une baleine. Ce qu 'il faut combattre, c'est l'indifférence : il faut renverser le fait que les dommages causés aux baleines n'ont pas de conséquences directes pour les responsables, et ne sont souvent même pas détectés. Les industries n'ont donc aucun intérêt concret à minimiser leurs dommages collatéraux sur les mammifères marins, même si la perte d'une baleine signifie la perte d'un élément important pour le mélange des nutriments et la séquestration du carbone, la perte d'un membre central de son groupe familial, et peut-être la perte d'un individu crucial pour la reproduction d'une population au bord de l'extinction. Alors, comment faire en sorte que les acteurs opérant en mer s'intéressent à la préservation des baleines ?
Whale Seeker vise à apporter des solutions technologiques à ce problème. Détecter plus rapidement et précisément les baleines permet d’adopter des solutions ciblées qui favorisent le maintien des activités économiques maritimes tout en minimisant leur impact sur les populations naturelles. Lorsque des données précises sur la présence de baleines sont disponibles, il devient possible de faire autrement, et les torts causés ne sont plus une fatalité, mais deviennent évitables moyennant des efforts réalistes. Reste alors à encourager ces actions positives par des incitatifs financiers.
Le projet Whale Carbon Plus propose de développer un système de crédits de carbone bleu afin que les efforts déployés pour maintenir les baleines en vie et en bonne santé se traduisent par un impact positif sur les résultats des acteurs économiques maritimes. Les entreprises seront encouragées à adopter des technologies de détection telles que celles développées par Whale Seeker, et à prendre des mesures pour minimiser les risques que leurs activités font peser sur la survie et le bien-être des baleines. En bref, le projet Whale Carbon Plus vise à rendre plus viable économiquement l'adoption de pratiques respectueuses des baleines.
Avec le recul, bien que la fin de la chasse à la baleine soit maintenant généralement reconnue comme étant une avancée majeure pour la conservation des océans, on peut constater que les matériaux adoptés comme substitut aux produits issus des baleines entraînent leur lot de problèmes. L’huile de baleine, autrefois utilisée comme carburant et comme ingrédient dans les gras alimentaires et les produits ménagers, a été largement remplacée par les combustibles fossiles et l’huile de palme, qui contribuent significativement aux changements climatiques et à la déforestation. Les matériaux plastiques, qui ont remplacé les fanons dans la fabrication de nombreux objets du quotidien, restent dans l’environnement pendant des siècles et causent des torts immenses à la vie marine. Néanmoins, on peut mettre tout en œuvre pour opérer des changements positifs pour les baleines qui ne se feront pas au détriment d’autres aspects de l’environnement. Pour cela, il faut apprendre des leçons du passé, et tirer profit des outils et des données disponibles aujourd’hui pour se projeter dans un avenir meilleur : c’est là la mission de Whale Seeker.